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Les réseaux sociaux, un enjeu devenu crucial pour les élections présidentielles françaises

Les candidats à l'élection présidentielle 2022 rivalisent d’activisme sur les réseaux sociaux pour essayer de peser dans les débats, d’avancer leurs thèmes mais aussi pour certains, d’exister ou de faire le buzz…

Citée en référence, la campagne d’Obama de 2008 sur les réseaux sociaux continue à inspirer les scrutins électoraux dans le monde entier. La France n’échappe pas à ce mouvement de fond, les deux dernières élections françaises montraient déjà une appétence des candidats à développer leur présence sur les réseaux sociaux et à développer leur visibilité.

Convertir ses adhérents et faire parler de soi et/ou de ses thèmes

Les organisateurs de la campagne d’Obama ont compris l’intérêt et la montée en puissance des réseaux sociaux avant tout le monde et ont développé, pour la première fois, une stratégie de grande envergure permettant de convertir des personnes intéressées en militants actifs via les réseaux sociaux (Facebook, groupes de discussion, Twitter…). Ils se sont appuyés pour cela en ciblant les cercles relationnels et communautés privées. Leur objectif était de disposer d’une forte base militante, visible et active pour créer une dynamique dans chaque État avec le système américain des grands électeurs.

En France, depuis les années 2010-11, une stratégie différente, et plus classique, a été menée, s’appuyant sur les réseaux militants et sympathisants existants pour essayer de fédérer des communautés. Très vite, et depuis une dizaine d’années, toutes les mesures conversationnelles et d’influence montrent l’existence de ces communautés, fortement marquées politiquement.

Macron a d’ailleurs admirablement joué cette carte lors de son élection à la Présidentielle de 2017 mais en orientant sa communauté sur sa personne au lieu d’un corpus idéologique lié à un parti politique ou à une famille d’opinion. Il avait également mis en place une présence sur un spectre de réseaux sociaux importants, prenant même le risque d’apparaître sur certains, très confidentiels. Il a poursuivi cette stratégie en faisant des incursions sur des réseaux sociaux moins traditionnels comme Twitch par exemple ou s’appuyant sur des influenceurs (McFly et Carlito)ou encore sur Tik tok (pour répondre aux questions des jeunes sur la vaccination).

Ceci étant, les extrêmes gauche et droite sont les communautés les plus structurées et actives au niveau conversationnel. Elles ont développé de nouvelles stratégies de présence et d’influence en s’inspirant d’un autre président américain, Donald Trump, avec sa méthode très agressive sur les réseaux sociaux lors de son élection triomphante et même lors de sa défaite en 2021. Celui-ci et son éminence grise, Steve Bannon, ont mis en place une stratégie consistant à imposer leurs thématiques et leurs vérités, au grand dam notamment des médias traditionnels et digitaux.

Agressivité, fake news et intimidation

Basé sur des réseaux très actifs, le principe est double :

  • Promouvoir ses idées en les simplifiant et axer sa communication sur 1 ou 2 idées fortes et grossières « Make America great again » en construisant tout un corpus de vraies fausses fake news (« l’autre vérité ») servant ou « prouvant » ces idées
  • Avoir une stratégie de destruction des opposants en menant de véritables campagnes de désinformation et de dénigrement. On peut citer par exemple le faux certificat de naissance d’Obama voulant le présenter comme non-américain.

Des alliés objectifs se sont greffés et participent activement au relais de ces campagnes. Une étude menée par le Washington Post, à partir de données collectées par les agences gouvernementales américaines, a démontré le rôle actif des services secrets russes dans leur propagation. D’ailleurs, un dispositif américain a été mis en place lors de l’élection présidentielle de 2021 pour surveiller ce phénomène (et mis en place en France aussi pour 2022…).

Du côté français, l’un des premiers faits marquants s’inspirant de ces techniques, est à mettre au crédit de la droite et de l’extrême droite française, avec la campagne menée contre Alain Juppé, devenu Ali Juppé lors de la primaire de la droite en 2017…

Et en 2022 ?

Servie il est vrai par des médias d’opinion tels que CNews, Valeurs actuelles ou Europe 1, cette stratégie est menée activement depuis mi-2021 par Eric Zemmour et la fachosphère qui disposent d’une force de frappe impressionnante quand on analyse le volume et les thèmes de discussion sur les réseaux sociaux. L’un des exemples les plus marquants est la montée en puissance de la théorie du grand remplacement, une construction purement d’extrême droite. D’ailleurs, la perméabilité de l’électorat du RN (ex FN) avec celui d’Eric Zemmour est particulièrement forte sur le corpus idéologique, même si les affrontements interpersonnels sont particulièrement violents.

Cette présence pèse fortement sur l’écosystème conversationnel des réseaux sociaux en 2022 et arrive à pénétrer l’opinion publique, les médias, en les relayant ou en les dénonçant et jouant un rôle de caisse de résonnance. C’est peut-être là, le point le plus important. Les réseaux sociaux et « l’atmosphère » générale de cette campagne sont fortement pollués et influencés par quelques thématiques, ne laissant que peu de place aux autres sujets…

Sur le reste de l’échiquier politique, on peut noter une communauté encore très présente et puissante autour de la personnalité d’Emmanuel Macron, même si elle a régressé en volume depuis 2017.

A gauche, il existe des communautés moyennes autour des partis politiques existants (PS, Europe Écologie les Verts…). La seule communauté remarquable, structurée et active, est celle de la France Insoumise, s’appuyant sur de nombreux groupes actifs, très orientés sur l’incarnation du mouvement par Jean-Luc Mélenchon. Il n’est pas surprenant, d’ailleurs, que celui-ci occupe une place un peu particulière sur l’échiquier numérique car il a su créer le buzz autour de ses meetings (hologramme, caméras à 360°…) ou autour de ses canaux de communication comme sa chaine YouTube et son blog personnel.

Enfin, il existe également une multitude de petites communautés centrées autour de candidats (François Asselineau, Nicolas Dupont-Aignant, Philippe Poutou…) mais qui ne percent pas en dehors de leur cercle.

A quelques semaines du premier tour des élections présidentielles, il est probable que de nouveaux événements sur les réseaux sociaux surviennent en complément des sempiternels épisodes et feuilletons médiatiques… A suivre…